LE TOURISME A MAGHREB


Le tourisme, est-ce un facteur d’acculturation et d’infiltration des sociétés arabes ? Cette question était l’objet d’un débat de l’émission "al Itijah al-Mouâkess", à contrecourant de Fayçal al-Kacem, diffusée ce mardi soir sur la chaîne qatarie Al-Jazeera. Etaient sur le plateau Rachid Abdou, professeur d’économie et d’investissement international et son contradicteur Abderahman Kouki, chercheur en Islam.
Le tourisme crée 234 millions de postes d’emploi dans le monde et 24 millions d’opportunités de travail dans le monde arabe, souligne Rachid Abdou.
"La prostitution et la dépravation morale ne proviennent pas du tourisme, mais de la pauvreté et du chômage. Si les gens vivent dans la précarité, et ne travaillent pas, c’est à ce moment -là qu’ils vont dévier du droit chemin", a-t-il souligné. Et de renchérir, "il y a des pays arabes où il n y a pas un seul touriste, et qui sont confrontés aux problèmes d’homosexualité et de perversion sexuelle".

Le tourisme génère, selon ses dires, 58 milliards de dollars de recettes dans la région arabe. Aussi bien les pays arabes, à revenus moyens, que les riches pays du Golfe sont en train de développer le tourisme pour booster l’emploi et l’économie, diversifier leurs sources de revenus et de devises, et donner de l’espoir aux populations.

Les monarchies du golfe sont, en effet, considérées comme étant des pays sous-développés, car leurs économies ne sont pas diversifiées et ne sont basées que sur la rente pétrolière. D’où leur intérêt pour le développement du tourisme au même titre que le pétrole dans une optique de diversification de leur économie, a fait observer le professeur d’économie internationale.

Tout cela n’est que "de la poudre aux yeux", a rétorqué Abderrahman Kouki. "Le tourisme ne profite qu’aux riches et ne fait qu’élargir le hiatus entre riches et pauvres. Et puis, n’oublions pas le décalage qui existe entre les chiffres officiels des gouvernements et le vécu des sociétés arabes. Les employés de ce secteur restent mal payés, de 100 à 150 livres en Egypte et leur revenu journalier demeure très faible de 1 à 2 dollars par jour. Le tourisme n’a pas permis de résoudre la pauvreté, et encore moins le chômage. Puisque, l’Egypte compte 2,5 millions de chômeurs ".

Les chiffres ne sont pas ceux des gouvernements mais de l’Organisation arabe du tourisme, basée à Jeddah, et complètement autonome des gouvernements, a répliqué Rachid Abdou. "Si ce n’était pas le tourisme, le nombre de chômeurs serait de 12 à 13 millions en Egypte. Dans ce pays, il y a 1150 hôtels, outre les villages touristiques, c’est tout dire de l’impact sur l’emploi". Par ailleurs, avec les recettes du tourisme, les pays arabes peuvent importer des matières premières, des technologies, nourrir des bouches, a-t-il fait valoir, rappelant le développement du tourisme interarabe de 29 % avant le 11 septembre à 46 % actuellement, alors que les échanges commerciaux entre les pays arabes ne dépassent pas 8 % de l’ensemble de leurs transactions économiques.

Abderrahman Kouki ne se laisse pas convaincre, tout en s'indignant, "le tourisme est responsable d’une infiltration occidentale des sociétés arabes. Il est un facteur de propagation de maladies, de dépravation morale, de perversion sexuelle, d’homosexualité, et d’espionnage". Et de rappeler : "La visite de Sharon sur l’esplanade de la mosquée al-Aqsa a provoqué un tollé. Mais, quelle est la différence entre l’acte de Sharon et l’entrée de ses soldats à charm cheikh ?". Le chercheur en Islam s'est, de surcroît, interrogé, "au lieu de développer le tourisme, pourquoi les pays arabes n’ont-ils pas promu l’industrie, avec la création d’usines de réacteurs nucléaires, d’armements et de technologies. Les pays occidentaux ne cessent de nous railler ; eux ils investissement dans les industries de l’atome, du nucléaire, des chars, et nous, nous en sommes encore là".

A l’inverse de l’industrie, le tourisme est un secteur aléatoire, qui est vulnérable aux effets de la conjoncture, aux épidémies, aux crises, a-t-il laissé entendre, donnant l’exemple des tours de Dubaï plongées dans un profond marasme du fait de cette crise.

Rachid Abdou qui a rappelé que 95 % des investissements dans le tourisme proviennent du secteur privé, impute le problème des tours de Dubaï à la crise immobilière et non à un problème touristique.

"Pas de tourisme, sans libertinage ?", Une phrase qui divise les deux invités. L’un défend bec et ongles le
bien -fondé des politiques touristiques mises en place par les pays arabes, et l’autre persiste et signe que le tourisme serait un problème majeur, s’il n’est pas canalisé et n’obéit pas à un référentiel de valeurs culturelles et éthiques.

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